On a beaucoup parlé, récemment, de l’ouragan1 Melissa, qui a dévasté les Caraïbes. Plusieurs records ont été battus, dont de vents juste en-dessous de 300 km/h au sol, et même 400 km/h à 200 m d’altitude2.
J’ai été frappé par la déclaration de Andrew Houston Moncure, propriétaire d’un complexe hôtelier, qui parle du passage de Melissa à la Jamaique: La pression est tellement basse que vous avez du mal à respirer, et le bruit, c’est comme si un train de marchandises vous roulait dessus (cité par actu.fr dans un article du 29 Octobre).
Le centre du cyclone (l’œil) est une zone circulaire sans nuages, dont le diamètre est habituellement de 10 à 100 km, caractérisé par des vents ascendants (voir la figure “Anatomie d’un cycle” dans Wikipedia) . Il est bien visible dans la photo ci-dessus. Le point noir qu’on voit dans l’œil (la “pupille”) est en fait le sol. Les vents font la ronde autour de cet œil, de sorte qu’un observateur qui subit le passage de l’œil voit des pluies et des vents qui soufflent dans un sens et ensuite, après un période de calme, les vents repartent mais dans la direction opposée3. En fonction de la vitesse de déplacement latéral du cyclone et de sa taille, l’accalmie peut durer d’une à plusieurs heures (vitesse de translation de 10 km/h à 100 km/h).
Quand j’ai lu la déclaration de Andrew Houston Moncure, j’ai eu quelques doutes sur le fait qu’on puisse avoir du mal à respirer. Selon Stull, la pression à la base de l’œil du cyclone est de l’ordre de 90 kPa (900 hPa). Le record est de 87 kPa. Cette pression correspond à une altitude de 1000m et de 1300m, respectivement. Beaucoup de régions habitées du monde sont à des altitudes supérieures, notamment dans les Andes, en Asie centrale et en Afrique de l’est. Les avions de ligne sont pressurisés pour que la pression corresponde à une altitude de l’ordre de 2500m.
Et puis je me suis souvenu qu’il m’est arrivé souvent de me réveiller pendant la nuit à Addis Ababa (2400m) parce que, même sans faire le moindre effort, dans mon lit, je manquais d’air! S’il existe manifestement une accoutumance à des conditions de faible pression atmosphérique, une variation temporelle rapide est perçue de façon aiguë. C’est ce qui se passe quand un avion atterrit et et que nous devons “avaler” pour faire passer la douleur dans nos oreilles4.
J’avais tort, et Andrew Houston Moncure avait raison!
Notes
- Les ouragans (Amérique) et les typhons (Asie) sont des variantes géographiques du même phénomène, à savoir un cyclone tropical (voir Wikipedia). Il existe même des personnes qui portent ce nom. D’abord, évidemment, le personnage de BD Philémon Siclone, égyptologue, dans les Cigares du Pharaon. Mais j’ai aussi rencontré au cours de ma vie professionnelle deux “vraies personnes” de ce nom. Je peux même donner leurs noms, puisqu’ils ont pignon sur rue. Le professeur Kasirga Yildirak en Turquie, un expert en évaluation des risques, et Taifeng Dong, qui était mon collègue à l’Académie des Sciences à Beijing et qui travaille maintenant au Canada. Tant Kasirga que Taifeng (Typhon) signifient “cyclone”. ↩︎
- Cette vitesse a été mesurée par une sonde. ↩︎
- C’est comme un dispositif ad hoc: les structures qui ont survécu lors de l’arrivée du cyclone avec des vents E-W seront probablement emportées lorsque les vents vont passer au secteur W-E après l’accalmie de l’œil. ↩︎