Nos chats

Voici un portrait de nos chats. Pas tous. Quelques vivants et quelques morts aussi. Nous pensons que les chats sont de petites personnes, chacune avec son caractère, ses préférences, ses habitudes, ses amitiés et ses inimitiés((Il y a une géopolitique des sociétés de chats, souvent mouvante; ceux qui sont soumis et le restent, et puis tous ceux qui veulent être chef, à tour de rôle)). Nous pensons aussi, avec d’autres, que les animaux, domestiques et sauvages, ont une “vie personnelle”, et je suis horrifié par la façon indigne (je veux dire “inhumaine”) dont on traîte certains animaux d’élevage et domestiques et, en général, les pratiques brutales de l’agriculture industrielle (y compris l’apiculture).

Dans le classique de Charles Duff, A handbook on hanging((Un manuel sur la pendaison)), l’auteur parle du Bourreau anglais Berry: “Ses loisirs étaient la pêche, la chasse à la loutre, le tir aux pigeons et aux lapins ; il adorait les animaux”((His hobbies were fishing, otter hunting, shooting pigeons and rabbits; he adored animals.)).

Il y a un corpus important de littérature sur le continuum animal-humain. Toutes les qualités que nous appelons “humaines” existent déjà, moins ou, au contraire, plus développées dans d’autres branches du règne animal. J’ai mis en ligne quelques textes de ma collection, à commencer par un essai de 2009 par Frans de Waal dans Nature, Darwin’s last laugh((Le dernier rire de Darwin, comme on dit “Rira bien qui rira le dernier)). Ensuite un compte-rendu d’article (2012) dans Science Daily, Do animals have reflective minds able to self-regulate perception, reasoning, memory?((Les animaux ont-ils un esprit réfléchi capable d’autoréguler la perception, le raisonnement et la mémoire?)), et finalement un intéressant travail de Lestel et Taylor (2013, Shared life: An introduction((La vie partagée : Une introduction))) qui prend, en quelque sorte, le problème à l’envers en ne cherchant pas l’humain dans l’animal, comme il est de tradition, mais plutôt l’animal dans l’humain.

Il s’agit, vous l’avez vu, de vieux articles, mais ce sont des articles qui m’ont frappé et que je conserve, parmi d’autres. Il y a eu récemment une pléthore d’articles qui mettent en évidence des caractéristiques d’intelligence chez les insectes, notamment les abeilles (2017, Bumblebees show cognitive flexibility by improving on an observed complex behavior((Les bourdons font preuve de flexibilité cognitive en améliorant un comportement complexe observé))) ou des articles récents (2023) qui vont jusqu’à parler d’émotions, ‘Bees are sentient’: inside the stunning brains of nature’s hardest workers((‘Les abeilles sont sensibles’: à l’intérieur des cerveaux étonnants des travailleurs les plus acharnés de la nature)).

Vous avez certainement vu les nombreuses publications sur l’intelligence des cétacés (baleines, orques, dauphins…) et celle des céphalopodes (certains grands poulpes en particulier). Comme d’habitude, je conseille de consulter les versions anglaises de ces pages, parce qu’elles sont mieux à jour, plus compètes et plus nuancées que les adaptations rapides dans d’ autres langues.

Pourquoi ce billet?

D’abord, parce que j’ai envie de la mettre en ligne depuis longtemps un très bref portrait de nos chats. Ensuite, parce que GL, le Condruzien belge((On ne doit pas confondre Condruzien et Condruse. Le premier peut descendre du second, mais, dans ce cas précis, je ne pense pas que le premier ait fait faire le profil ADN qui permettrait de trancher la question)) m’envoie un message avec cette information consternante: Chacun de tes chats tue en moyenne 6 oiseaux par an((Heureusement, le Condruzien, qu’on ne confondra pas non plus avec avec un Mérovingien, fournit par la suite un complément d’information après consultation plus approfondie de sa source: Les chats tuent probablement dans certains secteurs un pourcentage non négligeable des jeunes qui quittent les nids. Mais ces félins s’attaquent surtout aux oiseaux faibles et malades, contribuant à réduire la compétition pour la nourriture pour les survivants et augmentant ainsi leurs chances de survie en hiver. Finalement il n’existe pas de preuve précise que les chats aient un impact conséquent sur les populations d’oiseaux, d’autres facteurs comme la destruction des habitats étant bien plus graves. Toutefois, cette prédation pourrait fragiliser des espèces déjà en déclin)).

Certes… Mais il se fait que je n’ai vu qu’une seule fois (en plusieurs années) qu’un de nos nombreux chats ait pris un oiseau. La victime était un étournelet de la nichée de Maurizio (c’est le nom du père étourneau((Cet étourneau est toujours en retard dans la construction et les travaux d’entretien annuels de son nid. Ses voisins couvent déjà qu’il en est encore à coltiner des brindilles. Maurizio est le nom de l’électricien qui a travaillé à la maison quand nous avons emménagé, et qui était toujours en retard sur les autres artisans))), installé sous une tuile du toit du vieux Giuseppe, de l’autre côté de la rue. L’étournelet était à son premier vol. Je ne sais pas vous avez déjà observé un étourdi d’étournelet à sa première sortie. Quand il finit par oser se lancer, c’est en suivant une trajectoire tendue quasiment rectiligne et uniformément descendante, en battant désespérément des ailes. Il ne choisit pas son point d’atterrissage; il se pose là où aboutit sa trajectoire rectiligne. Il se fait que Frizz, un de nos chats, était justement dans le jardin, et justement à l’extrémité de la trajectoire rectiligne. Sans se déplacer, il a ouvert la gueule et croqué le malheureux étourdi.

Triste histoire, j’en conviens. Mais nous n’élevons pas les chats; nous n’ajoutons pas de chats à la chaterie((Mot qui se distingue de “Chatterie”. On dit aussi “félinerie”.)) universelle. Tous nos chats sont arrivés ici par hasard, presque tous en mauvais ou en très mauvais état. Nous les avons fait soigner, vacciner et, surtout, stériliser. Il est clair que tous ces chats font des dégâts en attrapant musaraignes et souris, lézards bruns et verts, de petites couleuvres((Seulement les petites. Les grandes donnent des coups de tête qui déplaisent aux chats!)) et des orvets, des grenouilles et une quantité incroyable d’insectes, surtout des “sauterelles” et des shphinx colibri, etc. Et ils s’en prennent probablement aussi à l’avifaune, mais, comme je l’ai dit, à ma connaissance, personne n’a été pris en dehors du fils de Maurizio.


Bichette (1) et Mussolini (2)

Bichette en avril 2022

Bichette et Mussolini((C’était un chat blanc avec des taches noires. Vu de face, il avait comme une moustache et une large mèche de cheveux en biais en travers du front. Comme il était Italien et pas Allemand, nous l’avons appelé Mussolini)) sont probablement nés dans notre cave((Les caves des maisons piémomntaises donnent sur l’extérieur. Elles sont normalement inaccessibles par l’intérieur.)) en 2017, quand elle était encore dépourvue de porte et remplie des fonds de grenier des mères des trois propriétaires précédents. Le genre d’endroit où, comme on dit, une chatte perdrait ses petits. Mussolini a fini par “partir”, écrasé par une voiture ou, plus probablement chassé par Bichette. Il se peut aussi qu’il soit simplement “allé voir ailleurs”((Il me semble l’avoir vu plusieurs fois à Terruggia, un village des environs.))

Bichette a été pendant longtemps notre seul chat. Elle était chef de la police et de l’ immigration, mais avec l’arrivée des grands mâles comme Jack, Grosso Rosso et Jojo elle a perdu son pouvoir. Elle disparaît le jour et dort dans la maison.


Mimi (avant-plan) et Fauvette en février 2021

Miaulette (3) et Fauvette (4)

Miaulette (qu’on appelle parfois Violette, et plus souvent Mimi) et Fauvette sont arrivées en même temps mais elles ne sont pas apparentées directement. Elles avaient l’une et l’autre un frère ou sœur, qui ne sont pas restés. Fauvette est une chatte très élégante qui semble porter une fourrure blanche. Elle adore se faire peigner.

Zorro (5)

C’était un chat blanc masqué de noir, extrêmement soumis aux autres chats((Le profil bas est la position initiale de tous les chats qui arrivent ici)), timide et gentil. Il est resté quelques mois avant de se faire tuer par une voiture.


Frizz (6)

Frizz-les-yeux-bleus (d’où Azzurro) en avril 2020

Frizz est né chez une voisine (que je vais appeler Lambda) en 2016. C’est un chat à l’histoire malheureuse, qui en a bavé dans le quartier avant notre arrivée. Il s’est bien retapé chez nous mais a fini par succomber à une insuffisance rénale au début de 2023. En fait, deux chattes de Lambda, mère et fille, ont fait leurs petits en même temps, et les ont élevés ensemble. De sorte que nous ne savons plus si les trois mâles de ces deux “couvées” sont frères, oncles ou neveux l’un de l’autre! Il y avait, entre autres, Giorgio et Azzurro (à cause de la couleur de ses yeux, dit Zuzu). Nous avons rebaptisé ZuZu Frizz((De “frizzante”, pétillant)). Giorgio a fini par chasser les autres mâles, ce qui explique la vie difficile de Frizz avant notre arrivée. Nous allons le retrouver ci-dessous (voir Jojo (10)).


Jack (7)

Monsieur Jack en janvier 2023. Malgré son oeil droit un peu fermé, Jack est un très beau chat.

Jack est le fils de Fauvette (voir 4), que nous ne sommes pas parvenus à attraper à temps pour la faire stériliser à son arrivée (maintenant, c’est fait). Outre Jack, sa première (et unique) portée comprenait deux autres chatons, tous avec des problèmes aux yeux((Une double conjonctivite virale et bactérienne qui affecte énormément de chats dans la région)), le premier, Schwartzy, est resté aveugle, Jack a un oeil “malade” et le troisième, Tyson, a guéri complètement((Il habite maintenant dans la province de Cuneo.)). Nous avons perdu le chat aveugle, Schwartzy((On le voit sur cette photo avec Jack)), qui était extrêmement attachant, par ma faute; comme Jack, il avait été opéré aux yeux plusieurs fois. Jack a besoin d’un peu de pommade quand son oeil s’infecte, mais dans l’ensemble, il vit normalement. De tous nos chats, c’est le seul chasseur régulier: il prend surtout des lapins à queue blanche  et, il y a quelques jours, il a ramené un écureuil roux. Mais jamais d’oiseau, à ma connaissance.


Grosso Rosso (8) et Grigri (9)

Grosso Rosso en décembre 2022

Grosso Rosso et Grisette, dite Grigri. Ils sont arrivés ensemble vers Octobre-Novembre 2022. Selon la vétérinaire, Grosso Rosso est un chat de 8 ans. Je suppose que son propriétaire est mort et qu’il s’est retrouvé à la rue? Il était très agressif au départ et, après acclimatation et castration, il est devenu câlin-collant. Grigri, FIV+((C’est le “SIDA des chats”.)), est une chatte de l’année dernière, avec des problèmes d’équilibre (elle ne saute pas, et tient la tête penchée) et de conjonctivite aux deux yeux. Quand elle est arrivée, elle était maigrissime et tellement faible qu’elle tombait en se sauvant. On la voit sur cette photo en décembre 2022, environ une semaine après sa “capture” et avant son premier passage chez la vétérinaire. Grigri et Grosso Rosso ont dormi ensemble dans un vieux fauteuil((Cette photo montre Grigri dans le fauteuil le 3 décembre 2022)), et je pense que c’est Grosso Rosso qui l’a sauvée en la réchauffant. La plupart des autres chats n’aiment pas Grigri, sans doute à cause de son regard et de sa tête penchée, mais elle est restée très liée avec Grosso Rosso. C’est le plus vieux chat, mais c’est le seul avec qui elle joue.


Jojo (10)

Jojo en juillet 2023

Jojo est le nouveau nom de Giorgio (voir ci-dessus à Frizz, dont il est le frère, neveu ou l’oncle), arrivé chez nous il y a quelques mois. “Jojo” ressemble sufisamment à Giorgio pour qu’il reconnaisse son nom. Il a été chassé de chez lui à son tour par les grands chiens du fiancé de la fille de Lambda. Nous l’avons fait stériliser et fait les test FIV. Il est lui aussi FIV positif. Ce chat boite de la patte arrière gauche qui, parfois, lui fait mal (Il ne la pose pas, dans ce cas). Je vais le faire voir par vété-orthopédiste du coin assez doué pour ce genre de problèmes. Jojo est encore triste et agressif, mais il s’habitue petit à petit. Il deviendra câlin-collant comme Grosso Rosso.


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Guy Leboutte
8 months ago

Tout beaux, les yeux bleus de Frizz/Azzurro! Et tout beau, le pavage avec des cercles.

S’agissant de l’intelligence des “céphalopodes et de certains grands poulpes en particulier”, les seiches leur seraient supérieures, en tout cas par une capacité inexistante chez les précédents, celle de tenir compte d’événements futurs, soit de planifier le futur.
Écouter Lisa Poncet, doctorante en neuroéthologie à Caen, dans ce podcast de 16 minutes qui a remplacé un précédent article plus ramassé: https://theconversation.com/podcast-intelligence-animale-quand-la-seiche-seche-le-poulpe-200782 .